lundi 24 décembre 2012

La guerre du caftan


Caftan perse posté sur le forum La Cour du Renard

J'ai toujours été intéressée, amusée et questionnée de voir comme certains objets alimentent des débats identitaires. Le caftan est vraiment très remarquable en Algérie. Il suffit de faire un tour sur internet, dans les mariages, les boutiques et on se rend compte que le caftan (dénoncé ou valorisé comme "marocain") est au coeur de débats passionnels (pas toujours passionnants).

Caftan algérien bleu roi Créations Dounia
Caftan Lina disponible sur Caftan-enligne.com


Nie-t-il les origines algériennes de celle qui le porte ? Peut-on se sentir menacé au niveau de notre identité par le mélange des cultures ? Ce sont des questions qui ont des réponses toutes personnelles je crois. Pour prendre un peu de distance avec les revendications parfois ridicules que l'on peut faire, je propose de jeter un regard objectif sur l'évolution de ce costume.


Au niveau de l'histoire des costumes, le caftan n'est ni spécialement marocain, ni spécialement algérien, ou turc ou mongol ou andalous, etc., etc.
La tenue a simplement profité de différentes cultures pour se développer et connaître une richesse de forme, de coupes, de motifs. C'est grâce à cette diversité que la tenue a réussi à traverser le temps, en s'adaptant aux cultures, aux modes et aux moeurs des différentes époques.
Avant d'être à la mode au Maroc, il l'était en Andalousie. Et pour arriver en Andalousie, il a fait un long voyage depuis la Syrie. Et en Syrie, s'il a pu s'épanouir c'est à partir de l'exemple des modèles perses, etc., etc.

Au départ c'est quoi un caftan ?
- un manteau mixte : aussi bien porté par les hommes que par les femmes; à noter que la forme la plus courante en Algérie est celle d'un manteau féminin,
- très richement travaillé : ce qui veut dire que l'effet visuel se devait d'être fin, élégant et luxueux, mais aussi bien sûr, que le coût final en faisait un costume de rois,
- long et ample,
- à manches longues,
- de la catégorie des vêtements "de dessus" : c'est-à-dire qu'il n'était pas choquant d'apparaître sans rien au-dessus devant des invités par exemple (d'autant plus qu'il était justement long et ample). Par exemple, la qmadja, cette longue chemise en dentelle ou en tulle portée par les femmes sous leurs ghlila, était un vêtement "de dessous".

Caftan en soie ottoman en vente sur Expertissim

Si aujourd'hui on parle de caftans "marocains", est-ce que ce n'est pas plutôt parce que les stylistes de ce pays ont beaucoup (et fantastiquement) travaillé sur sa forme pour le promouvoir ?

D'un point de vue objectif, le caftan comme vêtement n'est pas typiquement marocain ni typiquement algérien... Sa déclinaison marocaine répond par contre à des codes bien précis qui font qu'une variante particulière et remarquable de ce vêtement est devenue emblématique du Maroc.
Ce qui peut être intéressant plutôt que de sombrer dans des débats nationalisants stériles, ce serait de voir de quelle manière les deux formes se sont développées, quelles sont les différences et d'où elles viennent, faire le lien avec les évènements sociaux, économiques et politiques qui souvent sont à l'origine des bouleversements de la mode.

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