jeudi 16 juin 2011

Au programme printemps 2011


Une saison touche à sa fin, une autre commence; pour cette publication, le Baroud du Corsaire prépare l'été, ramadhanesque bien sûr. Tout au long de la semaine, découvrez chaque jour de nouveaux articles sur le Baroud du Corsaire. 

Lundi : 

Au programme, un dossier ouvert sur l'Islam et la mode avec de nouveaux articles toute la semaine; pourquoi "ouvert" ? Parce que j'espère qu'il continuera à s'enrichir encore de nouveaux articles pour parler ensemble de ce sujet qui montre que la mode, loin d'être futile, est aussi une question de tous les jours et d'éternité. 

Si la mode touche des domaines aussi différents que la religion et l'artisanat, elle mérite bien que l'on se penche un peu plus finement sur sa définition. La nouvelle rubrique "Dico de la mode" vous proposera pour ce premier article de réfléchir aux effets de la mode.

Bien sûr, je n'oublierais pas de reprendre dans les grandes lignes les évènements mode qui ont pu retenir mon attention sur ces quelques mois. Et ceux à venir


Mardi :

Entre la saison des mariages et celle du jeûn, j'ai pensé à vous parler du burnous pour la rubrique "Un peu de tenue"; ici l'idée est de faire le tour de quelques costumes d'hier et d'aujourd'hui aussi bien traditionnels que beaucoup plus modernes. Avec le burnous, je vous propose un petit tour de Djelfa à l'Espagne, en passant par les cortèges nuptiaux qui fleuriront cet été.


Mercredi :

Aujourd'hui, on ouvre grand les yeux et on reste aux aguets Dans la rue, histoire de regarder l'évolution (culturelle ? socioéconomique ? ... ?) des veste cuir. Non, non pas vestes en cuir, mais bien "veste cuir".

Envie de voir ce que les artistes peuvent faire à partir de la mode, la rubrique La mode ailleurs me permettra de vous parler d'une petite veste bien symbolique selon moi dans le film La Voisine.


Jeudi :

Pour ce dernier jour de publication printanière, je vous propose de rencontrer Zineb, étudiante en école de mode, qui a accepté de me parler de son expérience.

ça faisait longtemps : "J'ai flashé sur" s'arrêtera sur un badroun à la pistache... ou un bonbon en combinaison, je sais plus trop, mais ça m'a bien plu et c'est chez Zino Touafek.


Pour finir, une énigme historique digne des aventuriers, chercheurs de trésors et autres archéologues télégéniques. Je vous emmènerai du côté de Tamanrasset pour raconter l'histoire d'une reine légendaire et d'un trésor bien mystérieux.

Et bien sûr dès maintenant, les annonces pour la prochaine publication inchallah.



Bonne lecture et bon baroud,
Benha le Corsaire.


Pour la suite

Comme d'habitude, j'encourage vos participations. Vous pouvez me contacter par mail : baroudducorsaire@gmail.com pour me faire part de vos avis, suggestions, projets, écrits perso sur un point de vue mode.

Quelques idées pour de prochaines publications (le programme de la publication de l'été n'est pas encore arrêté) :

Programmation de Ramadhan : pour tous ceux qui prévoient un évènement pendant le mois de Ramadhan.

Comme déjà mentionné dans le dossier, d'autres articles sur l'Islam et la Mode inchallah.

Vous avez un projet professionnel dans la mode ? Vous étudiez actuellement pour devenir styliste, photographe, mannequin, modéliste, bijoutier, illustrateur de mode ou autre ? Proposez votre témoignage.


Et d'autres thèmes pêle-mêle :

Symboles de la couleur et identité

La mode est-elle un art ?

Les métiers de la mode

Les bijoux

... et tout ce que vous pourrez proposer!


A la saison prochaine pour un nouveau baroud,

Benha le Corsaire.


Abalessa : trésor et mystère

Lorsque j'ai entendu pour la première fois l'histoire des bijoux d'Abalessa, mes yeux se sont écarquillés en grand. Une aventure digne d'un long métrage pour Indiana Jones au coeur même de l'Algérie. Pour ceux qui ne connaissent pas cette histoire, écoutez bien, je vais m'improviser conteur : kan ya ma kan, fi waqt ez-zaman...

Tin-Hinan. Les amateurs d'histoire, auront reconnu le nom de la reine touareg, vibrante d'une renommée mythique et d'un symbolisme fantasmatique. Partie du Tafilalet marocain dit-on (pour ceux qui comme moi sont pas doués en géographie marocaine, y'a toujours Google Maps), elle se serait installée dans l'Ahaggar avec toute sa troupe puis aurait été inhumée dans un tombeau au nord de Tamanrasset, à Abalessa... croit-on.
Imaginez un peu ce qu'a pu vivre cette femme, à la tête de tout un clan de nomades, décidant de quitter sa terre natale pour conquérir une nouvelle contrée, aride, hostile et quasiment à l'autre bout du monde.... Ok, faut relativiser, je suis sûr qu'à l'époque Tamanrasset c'était l'autre bout du monde.
S'y installer et en devenir suffisamment maître, pour faire entrer son nom dans la légende puis y reposer pendant des siècles, dans un faste que personne n'osera toucher... Jusqu'à cette année 1925 où des archéologues ont franchi le pas.

Pour trouver quoi ? 83 bijoux et des centaines de pierres semi-précieuses. De quoi faire tourner les têtes, non ? Des kilos de bracelets d'or et d'argent, au stylisme si minimaliste qu'il se voudrait presque moderne. Le reste d'un pendentif ou d'une fibule, arrondi comme un soleil avec sa petite étoile en perle, des fragments de collier d'inspiration romaine, des perles d'or et d'autres d'argent, des rosaces à cinq branches, des bijoux en bronze et en fer, des perles de différentes formes en calcédoine, agate et cornaline, mais aussi amazonite, jaspe, cuivre et fer.

Les questions qui se posent toujours :
- le corps n'a jamais été vraiment identifié : s'agit-il d'un homme ? D'une femme ? Le port des bijoux ne signifient rien pour l'époque. Dans ce cas, pourquoi considérer que ce trésor serait celui de Tin-Hinan ?

- Le tombeau à chambre multiple, tel qu'il à été construit était caractéristique du littoral, pourquoi en avoir dressé un si loin au sud ?

- Comment expliquer la présence simultanée dans un même tombeau d'orfèvrerie méditerranéenne (pendentif, rosace, fibule, perles semi-précieuses), de productions africaines (bracelets), de rites préhistoriques et de mobilier romain ?

- l'or et l'argent sont les métaux les plus présents dans ce trésor; à l'époque (premiers siècles du calendrier grégorien, Protohistoire), ils étaient tous deux très rarement utilisés en Afrique du Nord : quel sorte de personne pouvait se constituer un tel trésor ?

- deux stylets en argent (éventuellement des épingle à fibule) ont été retrouvés mais l'un d'eux à mystérieusement disparu...

-un bracelet en fer torsadé a été retrouvé par terre, dans une autre chambre, non loin d'un autel... franchement, comment il a fait pour atterrir là ! Mystère, mystère... 

Un bonbon à la pistache

J'ai jeté un oeil sur la collection de Zino Touafek "Mes Algéroises". Il y a plein plein de choses à dire d'un point de vue "objectif". D'un point de vue plus "personnel", comme pour toute collection, il y a des choses qui m'ont bien intéressé et d'autres un peu moins, mais ce qui m'a tout de suite sauté aux yeux, c'est le bonbon à la pistache!

Ok, le lien est pas forcément évident, mais je trouve que le nom va bien à la tenue.

Comment la décrire ? Je dirais que c'est un badroun revu et corrigé, sans taille et basé sur un serouel extra-fluide. Ce n'est pas un "serouel mdowar", mais un "badroun mdowar"! Présenté en vert (pas spécialement pistache d'ailleurs, mais ça me fait plaisir), il est agrémenté d'un boléro rose, assorti aux "chevillères" (je ne connais pas trop le terme technique pour cette partie du pantalon). Le tissu est rebrodé et perlé sur un fond de motif floral (dommage qu'il n'y ait pas un super zoom sur ces détails).

Comme souvent dans le travail de Zino Touafek, on retrouve un jeu de volume. Le badroun se resserre juste au-dessus de la poitrine (il me semble qu'il n'y a ni manches, ni bretelles) et tombe ensuite tout fluide jusqu'au bas du corps. Tout de suite on imagine le confort d'une telle tenue, et l'élégance aussi, parce que pour magnifier une coupe comme celle-là, petite ou grande, grosse ou maigre, il y a intérêt à avoir une certaine allure! Le volume est coupé par les "chevillères" qui reprennent les couleurs et les broderies du boléro.
Ce boléro rappelle la frimla qui composait le costume classique des algéroises, sauf que celle-ci avait souvent un système d'attaches qui permettait de faire le lien entre les deux pans. Boléro-caraco qui reprend la coupe ajustée de la veste et heureusement histoire de bien valoriser le travail de volume.


Pourquoi j'ai flashé sur cette tenue en particulier ?

D'abord, ce que je retrouve dans cette coupe, c'est un peu la morphologie stéréotypique de la femme méditerranéenne; et pourquoi ce ne serait que les 8 qui seraient valorisées ?

Ensuite, bien sûr d'un point de vue visuel, l'alliance vert/rose attire forcément. C'est un duo de choc qui fait toujours son petit effet, surtout quand leurs tons sont aussi clairs et francs... un peu comme la saison qui s'annonce.

Enfin, je trouve là une proposition intéressante pour renouveler le badroun. Après un petit passage à vide, cette tenue a repris du poil de la bête il y a tout juste quelques années. Les stylistes proposent régulièrement de nouvelles manière de la voir, de nouvelles manière de la porter. Celle-ci me parait vraiment pas mal pour mettre en avant effet visuel et confort, beauté des tissus et qualité du travail, et même à un niveau plus symbolique, liberté de la force féminine et effronterie (ne jamais se limiter dans une interprétation sur la mode!).
On voit la silhouette, on ne la voit pas. On séduit, on cache. On est prude, on est active (slogan de l'algéroise ?). Ou comment sublimer la silhouette dans de l'over-size.

Et puis, même si mon blabla se concentre surtout sur le badroun, il ne faut pas oublier le boléro. Parce que sans lui, la coupe ne veut plus rien dire du tout. Sans lumière, pas d'obscurité, et sans coupe serrée, pas de coupe volumineuse. Tout est une question d'effet.
Et puis tant qu'à jouer les contrastes entre la tenue et sa veste, autant ne pas s'arrêter sur la coupe. A la pureté de la couleur de la combinaison, le boléro propose une déclinaison de détails pailletés, perlés, brodés. Sans ornements, pas de simplicité. 

Comment s'habiller selon les circonstances ? Chapelet d'idées reçues


Voici la première partie de cet article. La deuxième devrait s'appeler inchallah "Comment s'habiller selon les circonstances ? Avis religieux" et n'a pas encore de publication prévue pour le moment.
Ici, je propose de présenter les idées que j'ai l'habitude d'entendre, de lire, de connaître et qui forment un peu le savoir général de base. Sans aller dans la justification par le dogme, voici un petit aperçu de ce quelques situations caractéristiques.


Dans une mosquée

Que l'on y aille pour prier, pour rencontrer l'imam, pour organiser un évènement ou pour en apprendre plus sur la religion, la mosquée est le lieu sacré par excellence et doit être respecté en tant que tel à tout moment. Nous nous présentons devant Dieu en prière pour l'adorer et nous nous devons pour cette occasion de revêtir une tenue propre et décente. Concrètement, cela signifie par exemple pour un homme de s'assurer d'être suffisamment couvert pour sa prière. En théorie, la règle est facile à suivre, mais en pratique, combien d'entre vous se sont retrouvés derrière des frères dont le t-shirt se relevait à chaque inclinaison ? Pas très agréable à l'oeil des voisins et pas très décent pour lui-même face à son Créateur. Pour les plus prudents, la gandoura prévient ce  type d'accidents.
Pour une femme, les préparatifs sont peut-être un peu plus long. Non seulement il lui faut veiller à ce qu'elle porte sur le corps, mais aussi s'assurer que son voile convienne : assez long, assez opaque, assez bien maintenu pour ne pas glisser. Du côté de la tenue, on voit le plus souvent une robe (hijab, gandoura, abaya, appelez-là du nom que vous voulez) assez longue pour cacher jambes et bras. Le cou, les cheveux et les oreilles aussi sont cachées. 
Et la discorde apparaît finalement pour quoi ? Les pieds; entre celles qui assuuuuuuurent qu'il faut les cacher et celles qui assuuuuuuurent le contraire. 
Ce qui m'a le plus surpris c'est là où la discorde n'apparait pas, malgré ce que j'aurais cru : la tunique sur le pantalon. Et bien oui, plusieurs femmes vont prier à la mosquée habillée d'une tunique plus ou moins longue et d'un pantalon plus ou moins large. Ce n'est pas tant que cela se fasse qui me surprenne, mais plutôt le fait de n'avoir rencontré personne qui s'oppose à cette pratique (alors que les débats sur les pieds sont épiques!).
En même temps, si des hommes entrent prier avec des jeans moulants, qui oserait empêcher les femmes de prier en tuniques ?



En comité mixte

C'est quoi un comité mixte ? Réunion, lieu public (et donc rue), école, travail, fêtes, etc. Tout lieu ou des femmes et des hommes sont présents en même temps.
Etrangement, il y a finalement peu de textes autour de la tenue vestimentaire qu'un homme doit avoir face à une femme. L'attention ce concentre plus facilement sur ses devoirs à elle, que les siens à lui. Doit-on en revenir à cette fameuse règle du nombril et des genoux ?
Pour les femmes, tout dépend de la "qualité" des hommes en présence. Par qualité, j'entend s'ils font partis des mahram (proches : père, frère, oncle, etc.) ou non. Si elle est avec ses proches, on dit que la décence veut qu'elle se couvre du buste au genou. Finalement, on se retrouve là avec les premiers maillots-combinaison. Alors, prête à aller à la plage avec son père ?
Face à d'autres hommes, il est le plus généralement recommandé de se cacher le corps et les cheveux. Cela n'inclue ni les pieds, ni les mains, ni le visage. Je parle de généralité, car selon les choix personnels, mais aussi selon les obédiences religieuses, les positions changent.


Entre femmes

La règle de décence d'une femme face à d'autres femmes est-elle différentes que face à ses proches hommes ? La réponse n'est pas si sûre. Il y a ceux qui considèrent qu'un comité de femmes ou de mahram est équivalent (buste au genou). Et il y ceux qui défendent plutôt l'avis que tout est question de confession : entre musulmane le buste pourra être découvert jusqu'au nombril; face à des non-musulmanes, la limite sera le buste. Inutile de prendre ce dernier point à la légère, parce qu'on peut directement relier ça à des intérêts du quotidien pour les femmes. Comme par exemple de savoir la manière dont elle peut se permettre d'allaiter son enfant par exemple.


Le volume et l'opacité

J'ai principalement reporté les avis sur les limites de l'habillement, comme si que la question pouvait se résumer en quantité de tissu utilisé. En vérité, les avis précisent souvent que les vêtements ne doivent pas être serrés, ni transparents.
Que veut dire serrés exactement ? Moulant, facile. Et cintré ? Et coupé d'une certaine manière ? Et une coupe qui ne serait pas permise en comité mixte, le serait-elle en comité non mixte ?

Bon finalement (comme d'habitude peut-être), beaucoup de questions qui peut-être pourront être clarifiées dans le second article inchallah.

Un jour je serai... styliste photo


Travailler dans la mode, pas mal en rêvent. Certains continuent d'y penser sans jamais franchir le pas et d'autres tentent leur chance. J'ai rencontré Zineb, qui est en première année à la Casa Moda Academy de Casablanca. Elle m'a accordé de son temps pour m'expliquer ce que c'est pour elle, qu'être étudiante dans le domaine de la mode. Merci à elle et très bonne continuation pour la suite inchallah.

L'histoire de Zineb c'est celle d'un coup du destin. Un proche lui montre un jour l'annonce de Casa Moda Academy et l'encourage à se renseigner. Rien à voir avec l'audiovisuel, le domaine qui l'intéressait en premier lieu, mais Zineb se lance quand même; pourquoi pas ? Inscrite en première année, elle découvrira un monde qui jusqu'à présent ne l'intéressait que de loin et dans lequel elle ne s'était jamais projetée professionnellement. 

"Styliste photo" c'est ce qui a fait tilt! Courir d'ateliers en boutiques pour rechercher "les" accessoires qui donneront tout leur cachet à une tenue, préparer des thèmes pour les magazines, s'occuper du style des mannequins pendant les shooting... Zineb a été conquise par l'idée.

Et pour l'école ? Je la laisse décrire elle-même le travail là-bas : 
"Les études durent 3 ans jusqu'à la licence professionnelle, puis il y a pour ceux qui veulent poursuivre 2 ans de master. Les cours se passent très bien avec une ambiance très sympa. Je me suis rapidement intégrée.  Le premier semestre, c'était plus des choses techniques, mais à partir du deuxième, on consacre presque tout notre temps à préparer le défilé de fin d'année. C'est un travail intense mais intéressant. Tu dois préparer ton modèle et les accessoires qui vont avec. Tu peux courir dans tous les sens pour chercher quelque chose, comme tu peux te retrouver coincé, assis sur une chaise, en train de réfléchir à ce par quoi tu devrais commencer". 

Zineb est bien lancée dans son parcours et se concentre beaucoup sur la préparation de ce défilé. Il aura lieu le 29 juin dans un restaurant de Casablanca avec retransmission sur la page Facebook de l'école (info Menara). Bon courage à elle et à tous ces camarades !

mercredi 15 juin 2011

Difficile question de la pudeur

Selon les lieux, selon les situations, l'Islam ne nous demande pas de nous habiller de la même manière. La règle d'or : pudeur. Le vêtement du musulman se doit d'être décent et c'est là que les choses compliquées commencent.... à chacun sa définition de la décence.

Vêtements opaques ou un peu à totalement transparents, courts ou longs, moulants ou larges, colorés ou sobres... Il y a tellement de prises de position possibles qu'on a du mal parfois à comprendre l'essentiel. 

Je suis dans un transport. Une femme au voile plein de strass et de paillette invective une jeune fille aux cheveux découverts. Deux rangs derrière, une autre femme au voile noir la dévisage avec sévérité en fixant les décorations du tissu. Tout devant, une vieille dame porte un fichu noué à la va-vite... Quatre femmes, quatre prises de position différentes. Y en-a-t-il vraiment une seule parmi elles qui se trouve indécente ? Je suis sûr que non.

L'observation peut se faire en toutes circonstances avec n'importe quelle catégorie de personnes. Si on prend un homme habillé d'un bermuda et d'un débardeur, un autre en jean et t-shirt et un troisième en serouel loubia et chemise, comment juger qui est habillé décemment ou non ? 

Certaines règles de la religion nous guident pour répondre à cette question (inchallah l'article à ce sujet, dès que possible). Elles semblent assez précises, alors comment expliquer qu'il y ait tellement de personnes qui se créent une "échelle de pudeur" personnelle ? 
Une femme expliquait sur un forum qu'elle portait le jilbab avec des gants un voile sur le visage et ce, par choix personnel et non pas par religion. Elle savait ce que la religion lui demandait en terme de pudeur, mais voulait, pour son confort personnel, aller plus loin et n'y voyait aucun mal.
Un jeune se plaignait récemment à la plage que les femmes algériennes devenaient de plus en plus vulgaires et ne suivaient pas les préceptes de la religion. Lui-même portait un short de bain qui n'atteignait pas tout à fait ses genoux et laissait clairement voir son nombril. Il ne se gênait pas non plus pour regarder toutes ces femmes qu'il critiquait.

Alors ? 

Alors rien de plus pour le moment. Juste l'impression qu'il y a une grosse ambiguïté entre ce que les gens pensent et ce qu'ils ressentent, ce qu'ils croient et ce qu'ils font. Symptôme d'un individualisme exacerbé ? D'une perte de sens et de repère ?
Mon idée est de reprendre cet article plus tard sûrement. En attendant, je me demande ce que vous pensez de tout ça, vous qui êtes derrière votre écran.

Le Petit Chaperon Rouge


Rien à voir avec le conte, juste un clin d'oeil coloré pour le film qui sera le sujet de cet article, La Voisine de Ghaouti Bendeddouche. Ce n'est pas tant le film en lui-même qui m'occupe ici mais la scène d'ouverture et l'entrée de l'actrice principale.

Une foule noire s'amasse sur le quai de la gare. Elle vibre, on sent la turbulence habituelle de la grande ville. La locomotive s'avance lentement, grosse masse sombre et luisante. Des hommes, anonymes, sans visages auxquels faire vraiment attention, sans âges auxquels faire référence, déferlent vers la sortie. Au milieu de tout ça apparaît au détour d'un écran noir qui présente le titre du film, une veste rouge; c'est elle, celle que le titre vient d'annoncer, la voisine. Seul femme que l'on remarque vraiment à ce moment-là (mais la foule semble de toute façon composée uniquement d'hommes... volontairement ?), on la suit un petit moment, sur son chemin vers la Casbah.

Pourquoi cette veste rouge a-t-elle tellement retenu mon attention ? Visuellement et surtout symboliquement, elle attire le regard. Dans cette pénombre du quotidien, cette grisaille de ferraille, la voisine dans son costume d'apparat focalise toute l'attention. Qui n'a pas vu le film commence tout de suite à faire des hypothèses : une femme avec une tenue aussi voyante, c'est sûrement l'héroïne du film; une héroïne avec une veste aussi voyante, de quel "genre de femme" pourrait-il s'agir ? Et à partir de là c'est dans l'histoire complète de cette pauvre voisine que l'on entre. Le règne des apparences peut faire tourner les têtes et serrer les coeurs. Elle s'en rendra bien compte, entourée de toutes ces femmes qui craignent à tort la pudeur qui entoure sa vie privée, poursuivi par cet homme qui la voit, à tort, comme séductrice pleine de mystères. 
Et puis finalement, pour qui se prend-elle celle-là à débarquer comme ça dans le quotidien des bonnes gens, mettant tout sans dessus dessous, l'air de rien ? De la même manière, elle débarque sur le quai de la gare, plus grande que tous ceux qui l'entourent, ses cheveux tombant en cascade sur sa veste rouge. 

Dans la petite maison algéroise, cette voisine-là, sera celle qui pousse à se remettre en question, à se poser des questions sur soi-même et sur ceux qui nous entoure. Elle dénote, dérange presque. Comme sur ce quai de gare, entourée de tous ces hommes, vêtue de sa petite veste rouge. 

Envie de voir ce que donne cette première scène en image ?


La Voisine, de Bendeddouche
avec Linda Yasmine
Biyouna, Aida Guechoud, ...

Le dandy derrière la veste cuir

Il y a une dizaine d'années, je passais dans un quartier populaire d'une petite ville européenne :
"regardes-moi toutes ces vestes cuir" avait lancé un garçon à son ami.

"Veste cuir", une autre manière pour les enfants d'immigrés de parler des "sans papier" et "immigré clandestin", même s'ils ne sont finalement pas si différents de leurs propres parents. Jeunes et moins jeunes algériens étaient à l'époque tous affublés de vestes en cuir foncé, un peu trop grandes, mal ajustées : 
signe de l'entrée de plein pied sur le sol européen ou reviviscence d'un style éculé en Algérie ?

Ces vestes cuir-là ont vieilli, d'autres sont venus les remplacer, de plus en plus jeunes, presque encore des enfants et déjà tout un parcours de vie dans le regard.
Je suis repassé par hasard dans ce quartier il y a quelques temps. Blousons sportswear cintrés, jeans parfaitement coupés, rien à voir avec la génération précédente. 
Evolution des styles ou transformation de la mode urbaine algérienne ? 

La mode ailleurs

La mode peut se voir comme un art et plus facilement dans l'art. Danseurs, acteurs, costumiers de théâtre et de cinéma, photographes et chanteurs, dessinateurs et peintres, sculpteurs... nombreux sont les artistes qui réfléchissent longuement à la tenue idéale pour faire passer leur message. Voyons ce qu'on pourrait en dire...

Printemps 2011 : La Voisine - Ghaouti Bendeddouche


Dans la rue

La mode n'est pas essentiellement sur les podiums des défilés, dans les photos des magazines, au fond des ateliers des créatifs ou entre les textes des journalistes et bloggeurs. La mode est avant sur vous, moi, les autres. Elle vit par le public et se renouvelle grâce à lui. Quel meilleur observatoire alors que la rue pour discuter tranquillement de mode ?

Printemps 2011 : Veste cuir

mardi 14 juin 2011

En ce moment


Ce 17 juin vous faites quelque chose ? Annulez, parce que le spectacle est prévu à 19h à l'Ecole Supérieure des Beaux-Arts d'Alger. Défilé 100% récup' proposant une nouvelle vision de l'art et de la haute-couture, sous la houlette du jeune artiste Amor, qui devrait nous pousser à nous poser pas mal de questions... La soirée est sur invitation donc n'oubliez pas de contacter l'artiste!

Outsiders recherche une mannequin; ça pourrait être vous ? Tout ça pour dire, plus important que le casting, que la 2ème collection ne devrait plus tarder et qu'on entend de voir de quelle manière ils se seront renouvelés.

Zino Touafek se lance dans le traditionnel, le temps d'une collection au moins. On le connait pour ses robes pleines de couleurs et ultra mini... j'attends de voir ce que ça va donner sur les karakou et autres blousa ! Par ailleurs, vous pouvez voter pour lui sur le Lab de Brandalley, où il présente son travail avec à la clé, l'opportunité de créer toute une collection avec la chaîne.

Le Babylone organise actuellement un casting pour Ramadhan inchallah. Un mois de défilés, spectacles et concours pour les stylistes, coiffeurs-maquilleurs et mannequins.
Pour participer, par ici Facebook. Et bon courage à tous!

Un peu de tenue

Un peu de tenue!

C'est qu'il faut bien faire attention à sa manière de se tenir pour être sûr de son effet. Et de même, ce n'est pas n'importe quel vêtement qui fera l'effet recherché. Au-delà des goûts et des tendances, quelle est l'histoire qui se cache, ou non, derrière les costumes qui habitent notre imaginaire mode ?


Printemps 2011 : Le burnous



Le burnous

On ne croirait pas comme ça, mais nous voilà face à un gros morceau. Le burnous est non seulement un habit traditionnel ancien, mais c'est en plus un vêtement qui a su se renouveler pour ne pas disparaître. Comme beaucoup d'autres, il a joué sur la mixité pour se péréniser.

Surtout, ne pas faire d'amalgame, burnous algérien et variantes maghrébines sont cousins certes mais pas plus. Ce n'est pas du nationalisme, mais le parcours est assez différent pour que cette tenue prenne des valeurs particulières dans chaque pays. Par exemple, on le retrouvera le plus souvent au Maroc sous le nom de "selham". Appel aux amateurs du Maghreb et d'ailleurs : vous savez deux-trois choses sur le burnous de votre pays ? N'hésitez pas à partager avec nous.

Vêtement d'extérieur, le burnous est d'abord porté pour se protéger de conditions climatiques peu favorables. L'authentique, en poil de dromadaire (oubar... la qualité est là, le prix aussi...), prend l'allure d'une cape très ample, avec un capuchon. Ouvert sur la longueur avant, il est fermé sur la poitrine par une couture d'une quinzaine de centimètres, que certains appellent sdar. Sa couleur brune est bien connue et caractéristique du milieu rural. 
En lainage blanc, il est plutôt synonyme d'élégance et même d'opulence; si dans l'ancien temps il était l'apanage des notaires des villes, aujourd'hui c'est celui des mariés. 
Pour l'anecdote, c'est lui qui donnera son nom à la chaîne de montagnes franco-espagnole, les Pyrennées; on dit que les guerriers partis à la conquête de l'Europe restèrent stupéfaits par le panorama des cimes espagnoles.
Généralement associé à la région de Djelfa pour la production, on le retrouve autour : Bou Saada, M'sila, Medea et toute la zone des plateaux. Et même, qui, algérois, tlemcenien, constantinois ou autre citadin du littoral n'a pas autour de lui un grand-père ou quelques voisins qui en portent un ? Patrimoine régional certes, mais trésor national aussi.

Bleu et rouge. Deux couleurs de burnous liées à la Guerre. Aux spahis, anciens soldats turcs ralliés à la France, les rouges. Aux premiers supplétifs, les makhzen ralliés par la force ou la conviction, les burnous bleus. Du côté des combattants pour l'Indépendance aussi, les burnous étaient utilisés, non seulement parce que c'était un vêtement habituel et d'usage, mais aussi parce qu'il était bien pratique. Plutôt facile de cacher des armes sous ces grands manteaux.
Tellement emblématique, l'habit fut vite réutilisé par le discours colonial et xénophobe pour désigner "l'indigène", celui qui était exploité sans vergogne quand les patrons se décidaient à "faire suer le burnous".

Si les mariés le portaient déjà depuis longtemps pour jouer les élégants, les mariées elles, ne se feront pas prier pour l'adopter à leur tour, jusqu'à devenir dans certaines régions, le seul vêtement dans lequel la jeune mariée puisse sortir de chez elle. Pour certaines mendil et hayek sont tout à fait oubliés; le burnous blanc, brodé ton sur ton, or ou argent s'est imposé. Taillé plus petit, il habille nos petits garçons lors de leur circoncision.

Chez Le Midi-Dz, j'ai lu l'avis d'un professionnel "Mahmoud" qui parle de haute-couture. Et pourquoi pas ? La matière est noble et naturelle, la technique artisanale et la qualité se doit d'être au rendez-vous.


A lire :


"Le tissage dans l'Atlas marocain, miroir de la terre et de la vie", Yassir Benhima, Journal des Africanistes, 2005, Unesco.


lundi 13 juin 2011

Quoi de neuf fi bladna ?

Il s'en est passé des choses! Tellement que j'en ai oublié pas mal. A croire que la mode est un festival incessant en Algérie... J'ai dit incessant, pas intéressant. Et oui, parce que parfois on resterait presque sur notre faim malgré tout. Mais on va pas jouer les fines bouches, soyons content d'avoir déjà ça à se mettre sous la dent.

Petit tour web, avec un ravalement de façade pour la rubrique mode du site Dziriya qui ne peut que nous ravir. On retrouve un classement plus riche et plein d'adresses pour les fashionista (au pluriel, c'est fashionistat ?) de la capitale.

Toujours côté web, la maison Menouba a lancé son propre site. On ne peut qu'être content quand un styliste se décide enfin à s'exposer sur le web. ça augure de meilleurs jours, avec des infos plus pertinentes que les sempiternelles photos qui tournent sur Google Images depuis 10 ans. Surtout qu'on a un oeil direct sur la collection actuelle. En parlant de photos justement, le hic c'est qu'elles sont toutes petites celles de la galerie de Menouba, et pourtant on gagnerait à les voir en gros plan.

Les facebookeurs n'auront pas laissé passer la vague de corporatisme ambiant. Après L'union des Couturiers Algériens (organisation qui pour le moment reste bien mystérieuse), on a vu apparaître quasiment au même moment, l'Union des Mannequins Algériens (dont la photo a bien fait débat; à quand la photo de mannequins made in Djazaïr ?). Si j'ai bien compris les deux idées, elles paraissent assez intéressantes sauf que, une union, c'est plusieurs personnes qui partagent un objectif commun et développe un programme à partir de celui-ci. Qui sera prêt à s'inscrire de manière suffisamment active sur ses pages pour collaborer avec les administrateurs et proposer de véritables unions et non pas de simples pages de rencontre ?

Et côté TV ? Une chronique mode, rien que ça. Elle se cale bi sbah Rabbi dans l'émission Bonjour d'Algérie. Un petit pas pour la télé algérienne, un grand pas pour l'industrie de la mode ? No comment... pour le moment.

Si le show de l'année dernière était pour Elite, cette année, c'est L'Oréal qui a vu les choses en grand avec un stage de coiffure sur le thème du mariage. La 3rossa occidentalisée ou simplement dé-postichée ? Non, non, la postiche est toujours au rendez-vous, sous une cascade de fleurs délicates, de plumes, de perles. Au moins, les flash sont absents. Ouf! C'est déjà ça de gagné. Et côté couleur des tenues ? L'azur méditerranéen, le bronze si classieux, et le blanc. Pour aller avec le soleil de cet été inchallah.

Head & Shoulders était de la partie aussi avec Zinete Leryam, concours pour un relooking. Organisé sur Facebook, il permettait 1. de promouvoir leur nouveau produit, 2. gagner un relooking avec des professionnels de la beauté (maquillage, coiffure, shopping, conseils et photos). Et ce, dans différentes régions (centre/ouest/est), avec deux gagnantes à chaque fois. Faites un tour sur les photos des relooking, vous trouverez plein de conseils des différents intervenants. Mon préféré, celui du coiffeur d'Oran, Brahim "laissez le blond aux blondes" !

Avril aura été un mois important (une fashion week algérienne pourrait-elle prendre ses aises le printemps prochain ?). Le concours Miss Globe Algeria a couronné Hadjer Nezzar après un défilé sous la houlette de Zino Touafek. Du côté de Constantine, le Centre Culturel Français a remis ça avec les Rencontres de la Mode. Cette fois, l'objectif était beaucoup plus professionalisant, avec non plus que des défilés, mais aussi des ateliers de travail, des projections de documentaires, des conférences. Côté stylistes, le défilé de clôture a présenté le travail de Najib Alioua, Aziz Zerari, Mathilde Richard et Elodie Viens. Comme un parrain, Zino Touafek a ajouté sa participation pour rappeler que l'aventure avait commencé, un an plus tôt.


Non plus défilé, mais expo, Princesse Zazou avait envahi le Bastion23. Raïs à la place du raïs elle s'est installé sans vergogne avec son rose clinquant et ses broderies.


Dico de la mode

Les articles "dico de la mode" sont loin de vous proposer des définitions toutes faites! Retrouvez plutôt dans cette rubrique, les avis des professionnels du monde entier pour essayer de proposer des réponses à une question simple et ouverte sur l'infini : "qu'est-ce que la mode ?"

Printemps 2011 : les effets de la mode

Les effets de la mode


"La mode peut être définie comme l'art de présenter une apparence, une image, auxquelles sont associés des effets psychologiques, culturels, politiques ou philosophiques"*. 
Cette phrase peut sembler proposer des réponses quant aux effets de la mode sur l'évolution des sociétés humaines. Pour moi, elle montre plutôt l'étendue, ô combien large, des réponses auxquelles il faudrait réfléchir.

Assez compliquée à définir, la mode touche à tant de domaines qu'elle semble transcender tout notre quotidien. Fortement liée à des thèmes économiques, artistiques, techniques, elle se définit aussi selon la religion, la culture, voir même les conditions physiologiques de vie dans un endroit plutôt que dans un autre.

Si une "chose", et le but de cette rubrique est de trouver petit à petit une meilleure manière de l'appeler, touche autant de domaines, comment ses effets pourraient-ils se résumer au seul impact culturel dont on parle habituellement ?
La mode est comme une carte de visite que l'on affiche sur soi : incessante, gratuite, exprimable qu'on le veuille ou non. En jouant ce rôle, elle nous expose aux yeux de la société et nous pousse à communiquer sur "qui l'on est" ou encore "celui que l'on veut être". Et même plus compliqué : "celui que l'on veut être aux yeux des autres".

Son impact n'est pas que visuel : la mode lie l'image de nos vêtements aux mots que l'on utilise pour en parler, aux gestes que l'on fera pour les mettre en valeur ou les cacher.
Vous êtes du genre à enfiler à la hâte un t-shirt piqué dans votre armoire sans vraiment faire attention à votre style ? Ne cherchez pas, c'est aussi un acte de mode, vous ne pouvez pas vous y soustraire.
Vous n'arrêtez pas de dire à qui veut l'entendre que "vraiment, la mode, je m'en fous, y'a bien plus important dans la vie" ? Et ça aussi, c'est vous inscrire dans la mode.

Transcendante, elle est peut-être l'une de nos productions les plus ridiculisée, bannie au rang des futilités face aux "sujets nobles" des sciences humaines. Pourtant, n'est-elle pas de celles qui nous permet le mieux de nous exprimer ? Tous les jours, à chaque instant, tout comme nous respirons, nous sommes "emmodés" et ce, peut-être mais Dieu Seul le sait, depuis qu'Adam et Hawa ont pris conscience de leur nudité.

La mode c'est le "modus" latin, la manière, la façon de faire, d'opérer .... et pourquoi pas d'être ?


* "Le dessin pour les créateurs de mode" - Angel Fernandez & Gabriel Martin Roig. 2008 Paris. Eyrolles.


Retour aux sources

Aux sources du Texte. 
Que dit le Qor'an exactement sur les aspects des vêtements des musulmans ?

Pour les hommes, on l'a entendu toute notre enfance et on continue de l'entendre "se couvrir du nombril aux genoux". 
A partir de là, oubliez les shorts et bermudas trop courts, les pantalon taille basse (ou alors maximisez les t-shirts). Si le port du bermuda est largement privilégié à celui du short (question de religion ou question de mode ?), il n'est pas si difficile que ça de constater que les nombrils sont loin de se cacher. Il suffit d'aller faire un tour à la plage pour en être convaincu. 
Oui mais d'où vient cette règle ? J'ai essayer de trouver le texte qui fonde cette loi, mais pour le moment pas de résultats. Elle est pourtant citée dans nombre d'ouvrages et de discussions. Nombre d'auteurs semblent avoir minimisés l'importance de citer sa source, au point qu'aujourd'hui, il est bien difficile de la définir.

Pour les femmes, on se reporte généralement à trois versets précis du Qor'an :
- Sourate 24, Verset 30-31
- Sourate 33-53
- Sourate 33-59.

Je n'irais pas plus loin pour le moment, pour éviter d'écrire n'importe quoi. Inchallah, cet article pourra se développer dans l'avenir sur des bases fiables et solides. 

Les musulmans et leurs vêtements, vous en dites quoi ?


Merci à ceux qui m'ont accordé du temps pour répondre à mes questions :

Meriem, 38 ans, secrétaire de direction, Alger :
" Au travail, je dois être habillée et maquillée avec élégance parce que je représente l'entreprise face aux clients. Je fais attention de ne rien porter de vulgaire ou de trop aguicheur. Je reste très sobre dans les formes et les couleurs. Chez moi, je me fais plaisir avec des tenues beaucoup plus féminines quand je suis avec mon mari. Je veux me sentir belle et le sentir dans son regard".


Mina, 23 ans, étudiante, Alger :
" Quand je sors dehors, je veux me sentir bien. ça veut dire que je veux être jolie sans être trop séduisante, habillée confortablement, sans traîner en jogging/basket. Et surtout, ne pas avoir honte de moi et ne pas me sentir gênée par les regards des hommes. Je porte des vêtements plutôt amples et longs, des tuniques, des jupes longues, etc. J'ai toujours un foulard sur mes épaules que je peux remonter comme je veux sur mes cheveux. Je ne porte des décolletés ou des jupes courtes que dans les fêtes, mais jamais s'il y a des hommes".


Yasmine B, 20 ans, Alger, mannequin :
"Ma religion est ma tenue vestimentaire ne sont pas liées. Certes, on est dans un pays musulman mais les générations changent. Je ne mélange jamais, chaque chose à sa place. Bien sûr, je ne peux pas porter n'importe quel style tous les jours mais on peut être fashion et classe en étant simple. Ce n'est pas difficile (d'être mannequin dans un pays musulman), il suffit d'être diplomate. J'accepte chaque critique parce qu'elles font avancer dans la vie. Pour mes shooting et mes défilés, tout dépend du styliste et du concept. Je porte de tout : traditionnel modernisé ou fashion et modernes. Il faut être professionnel".

Malika, 18 ans, lycéenne, Oran :
" C'est affreux, quand je vois tous ces jeunes de mon âge ou un peu plus vieux qui s'habillent n'importe comment! Je suis musulmane et je fais attention à mon apparence, je veux que mon homme aussi prenne soin de lui. Aujourd'hui c'est "jean moulant et chemise transparente avec une tonne de gel dans les cheveux". Où est le Din dans tout ça ?".


Connaîtresesvaleurs, Skyrock :
" J'essaie au maximum de cacher mes atouts pour que personne ne puisse poser son regard sur moi. Je porte le hijab et je pense que c'est une façon de se préserver. C'est aussi une manière de respecter son mari".

Justmoi, Skyrock :
"Je suis musulmane et je porte le foulard, mais de là à me cacher derrière des couleurs fades et des tenues de grand-mère, non merci! Pourquoi est-ce qu'on ne pourrait pas respecter sa religion tout en portant un jean ? Aujourd'hui, tout le monde le fait, c'est les filles qui en font trop avec leurs tenues du Moyen-Age qui sont à côté de la plaque". 


Le Baroud n'a donné la parole qu'aux femmes ? Pas vraiment, les hommes semblent un peu trop frileux à répondre. N'ayez pas peur, c'est facile, essayez messieurs, le Baroud cherche toujours des avis!

Khamsa fi aynik

En pensant au rapport à la mode et l'Islam, je me suis demandée ce que je pourrais bien raconter sur la khamsa, cette fameuse main dite de Fatma. 
J'essaie ici de présenter différents points de vue, idées et hypothèses. A la fin bien entendu, Rabbi Soubhanou houwa el Alim et mes connaissances bien faibles et modestes ne me permettent pas de vous proposer autre chose que l'aperçu suivant.

Autant vous dire que ce n'est pas une mince affaire, le débat est plutôt houleux sur le sujet. Entre les uns qui trépignent de rage à la simple vue d'une main agrafée sur le berceau d'un bébé, et les autres qui l'accrochent en pendentif colossal pour leur mariage, contre le mauvais oeil, la gamme complète des "degrés de fidélité au discours religieux" se développe. Impressionnant comme un objet si petit, peut catalyser autant de sentiments.

Quelques repères

La main de Fatma, el khamsa, est largement répandue tout autour de la Méditerranée, quelque soit l'origine ou la religion. Pour ce qui nous intéresse dans ce dossier, nous allons essayer d'y voir un peu plus clair sur la position de l'Islam sur ce bijou puis la place qu'il prend dans la culture algérienne. 

Il est extrêmement difficile de replacer l'origine même de ce symbole. Si l'on retrouve bien des empruntent de mains plaquées contre les parois de l'art pariétal, les archéologues débattent encore : pour certain symbole préhistorique de la main actuelle, pour d'autres simple signe identitaire et marquage du territoire. 

Aïcha Boukli, du musée national du Bardo, propose une métaphore intéressante sur le choix de la main comme symbole protecteur : tout comme l'être humain se protège du soleil par sa main devant les yeux ou encore des agressions physiques par la main levée devant son visage, il choisira de se protéger du mal par cette représentation-ci. 

Si certains attribue le nom de la khamsa "main de Fatima" à la fille du Prophète, radhia Allah 3liha, sans vraiment justifier un tel rapport, d'autres le rapprochent des cinq piliers de l'Islam : cinq piliers, cinq doigts pour s'y référer. Dans les deux cas, je n'ai trouvé aucun argument qui appuient sérieusement l'une ou l'autre de ces thèses. Au contraire, il semblerait même d'après les historiens que l'expression soit tout à fait antérieure à la vie de Fatima, radhia Allah 3liha. 

On raconte également que l'émir Abdelkader l'offrait en médaillon comme récompense à ces combattants. Chaque type d'exploit guerrier correspondait à un modèle de médaillon, avec plus ou moins d'or et d'argent. Les hommes récompensés le portaient alors fièrement agrafé sur leurs chéchias.

2. Du point de vue de la religion

S'il paraît assez évident que ce symbole n'est pas à relier à l'Islam, il est beaucoup plus difficile pour nombre de croyants de comprendre en quoi le porter peut correspondre à un péché. En essayant de requérir l'avis des savants sur cette question, j'ai rencontré quatre arguments.

Idée 1 : la main comme idole
En partant du principe que ce symbole n'a rien à voir avec la religion islamique, tout individu qui considérerait que ce symbole, ou le bijou qui le représente, est concrètement capable de le protéger du mal, réaliserait une association de type polythéiste. Tout comme en période anté-islamique, les peuples de la péninsule arabique priaient des idoles, des productions manuelles censées les protéger, tout comme croire en la "main" et l'invoquer pour se protéger du mauvais oeil correspond à de l'associacionisme.

Idée n°2: honnis soient les hypocrites.
Bien sûr, beaucoup rétorquent qu'ils achètent des khamsa non pas pour se protéger du mal, mais plutôt parce que le graphisme leur plaît, par nostalgie de ce bijou qui était porté par tel proche avant, etc.
Là encore, les cheikhs ne se sont pas laissés démonter et ont répondu en citant le Prophète (Salla Allah 3lih wa Salam) d'après des hadiths authentifiés chez Abou Dawoud et chez Ahmad : "Quiconque imite un peuple, il est l'un d'entre eux". 
Ils entendent par là que le fait de posséder une khamsa sans croire à une quelconque vertue prophylactique entraîne une ressemblance avec ceux qui la portent en y croyant. Ainsi, les imiter reviendrait à être des leurs; ceux-ci étant considérés comme polythéistes, le lien est fait avec l'idée n°1.

Idée n°3 : théorie de l'influence
D'autres ajoutent que même sans y croire, le simple fait de la porter, pousse ceux qui la voient ainsi à penser qu'elle à une certaine valeur prophylactique pour les musulmans. Vous vous mettriez donc en position d'influencer ceux qui y croient à persister dans leur erreur et ceux qui n'y croient pas ou n'ont pas trop d'avis à se poser des questions.

Idée n°4 : mensonge et diffamation
Comme mentionnée plus haut, il n'y a pas vraiment de textes (à ma faible connaissance, mais je cherche encore à faire le lien) qui relient la fille de notre Prophète (Salla Allah 3lih wa Salam) à cette main. Pour beaucoup, continuer à associer les deux revient à mentir et colporter le mensonge sur ce faux lien.
Lien qui perpétue lui aussi l'idée qu'il s'agit bien d'un symbole musulman, ce qui n'est historiquement et dogmatiquement pas le cas.

Retrouvez le sondage sur Forum Algérie.

Quand j'y pense...

Quand j'y pense je me dis que puisque c'est à la mode de parler "éthique", pourquoi le styliste musulman ne s'en brosse-t-il pas une ? Une du genre qu'il graverait sur une plaque dorée à l'entrée de sa boutique bien sûr. Histoire d'avertir ses clients qu'il ne travaille pas juste pour le fun, comme le vent guide son inspiration et que derrière tout ça, il y a une vraie réflexion sur ce qu'il fait et ses responsabilités.

Parce que le styliste a des responsabilités, oui messieurs-dames, et je ne parle pas que de qualité du produit et délais. Ni même d'inventivité, originalité, non, non. D'ailleurs, en parlant de "styliste musulman", j'entend bien sûr tout styliste qui se réclame de l'Islam à titre personnel, et non pas seulement les stylistes qui proposent hijab, foulards, jilbab et autres.

Qu'est-ce que j'attends (moi, toi, vous, tout le monde) d'un styliste musulman ? Quelle différence y a-t-il entre lui et un styliste qui n'est pas musulman justement ? A part que chacun développe son propre style et ses stratégies ? Un styliste musulman suit (en théorie) une éthique musulmane, une morale. Son commerce est basé sur une organisation et une économie hallal (là, je vise loin). Il s'assure que les produits qu'ils proposent suivent la même éthique au niveau de leur conception (par exemple, l'esclavage des pauvres et des enfants qui travaillent dans les ateliers, on oublie).
Et au niveau du style ? Rien n'interdit dans l'Islam de vendre une robe courte, transparente et tout ce que vous voulez à une musulmane. Après tout, qui est-ce que ça regarde si elle veut la porter devant son mari lorsqu'ils sont chez eux ? L'éthique du styliste musulman ne serait pas tant dans le style que dans la communication. Publicité et politique de la maison. Inciter une femme ou un homme musulmans, même volontaires, à poser dans des tenues qu'ils ne devraient pas porter devant n'importe qui, au final, est-ce bien éthique ? C'est sûr que montrer la chute de rein d'un beau gosse attirera beaucoup plus l'oeil sur le jean qu'il porte; de même que d'exhiber les gambettes d'une gazelle pour vendre une petite robe. Et alors, comment se positionner en tant que mannequin musulman ? Question difficile. Contrairement à ceux qui disent que ce métier ne peut pas aller de paire avec l'Islam, je pense que là aussi, tout est question d'éthique.

Au jour d'aujourd'hui, plus que jamais (peut-être), l'Islam est une religion privée, au sens où chacun décide de manière intime de ce qu'il fait ou non, avec bien plus de liberté que ce que la société ne permettait avant. Si des musulmans à toutes les époques se sont permis de ne pas être des modèles de piété, le groupe social auxquels ils appartenaient les soumettait à une pression qui les empêchaient d'exprimer leurs manquements aux règles religieuses sur la place publique. Aujourd'hui, ce temps semble bien révolu, alors finalement, c'est quoi la spécificité d'un styliste musulman ? 

vendredi 25 mars 2011

Zino Touafek : Méthode et style

Le Baroud du Corsaire : Zino, je te remercie d’accepter cet entretien pour parler de ta manière de travailler et d’envisager la mode. J’aimerai commencer par un retour en arrière, plus précisément l’été dernier pour ton défilé Fleurs et Couleurs. Tu avais choisi tes mannequins sans qu'ils soient forcément professionnels, c'est bien ça ?

Zino Touafek : C’était des amatrices à 75%. C’était voulu pour montrer ne serait-ce qu’un peu la véritable image de la mode. Si on fait de la mode, c’est pour la voir dehors. Donc j’ai choisi une fille de 14 ans, une lycéenne, une secrétaire de 26 ans, etc. Il y avait aussi des mannequins bien évidemment. Je voulais montrer la vraie image de la mode.

BC : On entend de plus en plus, et surtout l’année dernière, parler de la taille des mannequins. Des stylistes de grandes maisons exigent des mannequins filiformes et en même temps, les mannequins grande taille sont de plus en plus médiatisées, quels sont tes critères à toi ?

Zino : La première présentation, la première vue. Quand j’organise des castings, je fais des essayages immédiats. La fille qui est gracieuse rajoute un plus pour ma robe. Celle qui reste figée, même si elle a les critères, je ne la prends pas. C’est une question de grâce avant tout et l’Algérie ne manque pas de belles filles gracieuses et belles même sans avoir les critères d’un mannequin de podium, apte à défiler avec des hauts talons.

BC : Tu as déjà cousu pour des grandes tailles ? Est-ce que ces silhouettes t’inspirent ?

Zino : Oui, j’ai travaillé pour pas mal d’atelier de couture sur Alger. On recevait principalement des femmes fortes, c’est plutôt le standard algérien (rire). Avec tous mes respects aux femmes algériennes. C’est le standard morphologique de la femme méditerranéenne, large aux hanches et étroite aux épaules et oui, elles m’inspirent. Pourquoi la femme ronde n’a pas le droit d’être bien habillée ? Je ne cache rien pour une ronde. Je mets en valeur ses rondeurs, je les cerne, je travaille la coupe et le modelage. Les formes ça inspire toujours. La mode tourne autour du volume et de la texture, et avec les rondes, ce n’est pas le volume qui manque ! La texture non plus.

« L’homme auquel je pense […] est fort et faible, chaud et froid »

BC : Ce qui a tout de suite retenu mon attention dans ton book, c'est le travail sur la féminité. La femme que tu présentes joue beaucoup de ses atouts et met toujours en avant son corps (mini-jupes, talons très hauts). Qu'est-ce qu'elle exprime à travers cela ?

Zino : Avant tout, une liberté d’expression corporelle. Elle veut à travers ses vêtements exprimer sa liberté, son côté rebelle. C’est une femme actuelle, qui veut avancer sans limites. Cette femme n’a pas d’obstacles, elle est responsable, maman, copine, amoureuse.

BC : La "femme Zino Touafek" a n'importe quel âge, n'importe quelle silhouette et reste bien dans son corps, en vivant sa vie de manière indépendante et volontaire. Qu’en est-il de l’homme ?

Zino : Pour Fleurs et Couleurs j’avais fait défiler un mannequin. C’était un message.

BC : Lequel ?

Zino : Zino va envahir le monde de la mode masculine par une collection sur mesure pour homme. L’homme auquel je pense est aussi responsable et frais. Il ose, égal à la femme dont je parlais. Il ose les shorts, la transparence, le skini (ndB : jean ultra slim) pratique-pratique qui donne une silhouette raffiné. Il est fort et faible, chaud et froid.

BC : Pour quelles occasions créé un styliste comme toi et pour où ?

Zino : Je créé pour moi d’abord, pour satisfaire mes envies artistiques, sans avoir le but de vendre forcément. Et puis, je pense à la fille ou au garçon, qui a une vie sociale, qui sort en boîte, pour une soirée cocktail ou entre copines. Pas de fêtes (ndB : traditionnelles), pas de circoncisions (rire). Je pense à la mariée moderne, jeune, qui ose porter mes robes déjantées.

BC : Tu te décris comme artiste pour le plaisir. Es-tu attiré par la haute-couture et ses critères de rigueur ?

Zino : Dans mon horizon je n’ai pas de prêt-à-porter, haute-couture ou autre. Je n’applique pas les règles. Je crée et point (rire). Pourquoi ces limites et ces termes du Moyen-Age ? « Haute-couture ». On voit dans les défilés et fashion weeks intitulés haute-couture, des robes limites basiques. Elle est où la haute-couture dans tout ça ? Je crée à l’humeur. Ils appellent ce que je fais, « couture », « tailleur » ou « luxe ». Ça me dit rien. Je suis libre et je ne veux pas me limiter dans des appellations crée il y a des années. Je fais de la mode. Tout court.

« Où est le romantisme dans tout ça ? »

BC : Tu as travaillé sur une collection « Rock et Romantoc ». Tu peux nous en dire plus ?

Zino : A travers cette collection je montre le coté rock de la femme d’aujourd’hui, libre et rebelle. « Roman » c’est un clin d’œil au côté peu romantique de l’image actuelle de la mode dans le monde. Et puis « toc » c’est pour le côté superficiel et factice qui est très présent de nos jours : tissus synthétiques, pierres semi-précieuses, imitations, etc. Il y a aussi des modèles hommes.

BC : Est-ce que tu adhères au côté « toc » dans ta vision du style ?

Zino : Pas tout à fait. La mode c’est pas que des cristaux de luxe et des diamants. Il y a aussi le toc, même aspect mais pas même valeur. Peu romantique, on en voit presque sur tous les podiums : les jeux d’épaules, les clous, les chaînettes. Où est le romantisme dans tout ça ?

BC : On revient aux inspirations 80’s dans lesquelles tu as grandi. Tu as pas mal de projets en tant que styliste. Tu es aussi designer et tu as préparé toute une collection d’ameublement pour une chaîne d’hôtel. Tu as encore le temps de respirer et de t’occuper de toi ?

Zino : Je suis structuré et je sais faire la part des choses. Je suis plutôt super actif, je n’arrête pas. Je travaille généralement seul dans mon atelier mis à part mon assistante ainsi qu’une couturière qui vient de temps en temps. J’aime bosser seul pour le moment.

BC : Tes proches portent quel regard sur ton succès ?

Zino : Ils me voient plutôt comme un designer du fait de la formation que j’ai suivi en priorité (rire). Mes amis croient vraiment en moi et vivent avec moi chacun de mes pas vers le succès. Leur regard après chaque défilé, c’est comme des étoiles qui brillent autour de moi. Je les aime.

« Je peux offrir une robe comme je peux la vendre à 100 000 DA »

BC : Je vais casser cette pause sentimentale avec une question résolument plus terre à terre mais qui intéresse tous ceux qui aiment la mode. Le prix de tes tenues. Que peux-tu me dire sur ça ?

Zino : L’art n’a pas de prix. Je peux offrir une robe, comme je peux la vendre à 100 000 DA. Tout dépend de mes humeurs. C’est pas très chic de mettre des prix en avant, c’est pas des t-shirts. Mais minimum 300 euros.

BC : Tu t’habilles où ?

Zino : J’achète mes fringues à Oran, il y a des boutiques sympas. On est bien accueilli et ils ont du goût. C’est sympa de faire du shopping là-bas.

BC : Est-ce que certaines de tes tenues sont emblématiques ?

Zino : Non, toutes mes robes sont spéciales pour moi. Je n’ai pas de coup de cœur.


BC : Pour finir, un petit portrait chinois. Si tu étais une tenue ou un vêtement tu serais ?

Zino : Un corset, ya M. Le Corsaire!

BC : Surprenant pour un styliste qui défend la liberté du corps.

Zino : C’est “ l’homme Zino”, chaud et froid, parfois il serre, parfois il desserre.  

De Z à O, petit tour sur la planète de Zino Touafek

Débarqué sur la planète mode comme Z… orro ?

BC : Zino, tu es un jeune créateur et en même temps tu t’es forgé une belle expérience depuis le temps. Comment vois-tu le secteur de la mode en Algérie ?

Zino : Lorsque j’ai été en Tunisie pour la finale Elite pour habiller les candidates algériennes, j’ai tissé des liens avec les représentantes marocaines. Elles m’ont donné l’exemple. Elles me boostent parce que quand je vois nos confrères et nos consœurs du Maroc et de la Tunisie qui font avec les moyens du bord et qui réussissent à faire des merveilles. Ça me démange ! (rire)

BC : L'Algérie a encore beaucoup de travail ?

Zino : L’Algérie est loin, très loin. Nos voisins organisent des fashion weeks, des festimode, des texmed, des workshop. Ils ont des écoles de mode comme Casa di la Moda à Casablanca ou Esmod à Tunis.

BC : Comment expliquer que l’Algérie soit si loin ?

Zino : Il n’y a tout simplement pas d’initiatives.

BC : Un autre styliste m’a parlé d’un fort esprit de compétition dans la profession. Qu’en penses-tu ?

Zino : Oui tout à fait. Il n’y a aucun lien entre les stylistes. Je recommande d’autres stylistes quand je vois qu’ils font du bon travail, eux non. En été j’avais reçu une proposition pour participer à un évènement intéressant à Marrakech. Ils m’ont ensuite demandé les noms d’autres stylistes algériens qui font du bon boulot. J’ai recommandé une styliste qui a créé sa maison. Elle ne m’a jamais remercié. C’est une question de mentalité, on est artiste ou on ne l’est pas.

BC : Il y aurait les stylistes-artistes et les stylistes-businessmen ?

Zino : (rire) Il y a 90% de stylistes businessmen. Je comprends, il faut bien manger. Mais il faut aussi penser à l’évolution de la mode en tant qu’industrie.

BC : Tu me décris un monde de requin.

Zino : (rire) Je vais te dire, après mes défilés personne ne me félicite parce qu’ils préfèrent colporter des ragots sur ma vie privée et critiquer mon travail en disant que je fais des nus et que je dénude les algériennes. Mais ils restent au cocktail dinatoire pour manger, c’est fou ! (rire). C’est culturel et on fait avec si on veut survivre dans le milieu de la mode. Milieu qui n’existe même pas, mis à part quelques initiatives qui se comptent sur les doigts d’une main… ou même pas.

BC : Ces attaques personnelles touchent ta vie privée, tu arrives à aller au-delà ?

Zino : Oui ! Moi je suis dans le contemporain, mais certains sont loin de s’y connaître. J’essaie de transmettre d’abord la culture de la mode. (rire)

BC : Est-ce que certaines institutions de la culture ou de l’artisanat t’aident à monter des projets dans ce sens ?

Zino : A vrai dire, je n’ai jamais frappé à leur porte. Il faut d’abord penser au statut de l’artiste et ensuite, la mode suivra ces institutions. Il faut d’abord lutter pour ce statut de l’artiste, qu’il soit acteur, créateur, écrivain, etc.

BC : Les institutions sont hors concours, les professionnels ne s’épaulent pas et sont en compétition, et le public, quel place prend-il ? Est-ce qu'il est demandeur de qualité, de nouveauté ?

Zino : Le public est là pour se divertir, pas pour acheter, ni pour voir et être branché. C’est très compliqué tout ça. Les gens cherchent juste un event (ndB : un évènement) pour sortir, voir, des défilés ou autres. Le public est mal informé certes. Il n’y a pas de médiatisation. Là, je parle en général. Moi dernièrement, j’ai eu le soutien des magazines. Beaucoup de stylistes fuient tout ce qui est publique et n’affichent pas leurs modèles par peur d’être copiés. Pour moi, ils ne sont pas cultivés car si on est copié, ça signifie qu’on a réussi. Comme l’a dit Coco Chanel.


D’Inspiration en Inspiration.

Benha le Corsaire : Tu as déjà mentionné dans une interview précédente (pour le magazine Dziriya.net) que tu étais très admiratif du travail de Lagerfeld et de Karim Sifaoui. As-tu d’autres mentors ou muses ?

Zino Touafek : J’ai commencé à coudre dans les années 2000, à dessiner bien avant. J’étais très jeune pour connaître les mots « muse » et « mentor ». Par contre, mes sources d’inspiration étaient multiples à l’époque : la télévision, les belles femmes du cinéma noir et blanc, les photographies. J’observais tout ce qui m’entourait.

BC : Ton entourage féminin t’a-t-il inspiré ? Et de quelle manière ?

Zino : Je voyais les anciennes photos de famille dans des albums usés très vintage. Tout ça m’inspirait. Les femmes qui m’entouraient au quotidien étaient les femmes branchées des années 70, 80. Elles s’habillaient en jupettes, jeans taille haute, etc.

BC : Pas vraiment le style traditionnel, tout comme tes créations actuelles.

Zino : Le traditionnel est venu après, avec les fêtes. J’observais surtout les femmes chics et élégantes des années 80. Les gros bijoux en toc, les dorures partout, le cuir et le bling bling.

New Generation

BC : Certains noms de stylistes ont acquis leurs lettres de noblesse dans la mode algérienne. Te reconnais-tu comme un héritier de ces couturiers ou penses-tu qu'il n'y a pas eu de transmission entre les générations ?

Zino : Transmission ? (rire) On ne les connaît même pas. Il n’y a pas eu de transmission et je ne les connais que de noms. Je n’ai jamais visité leurs boutiques mais j’ai vu leurs créations sur internet. C’est assez répétitif et ça ne donne plus envie de les suivre du coup.

BC : De l’extérieur, j’imaginais que les générations plus expérimentées et qui avaient réussis avaient une certaine influence sur le milieu, mais tu as un regard assez critique.

Zino : Oui et je le dis souvent.

BC : Tu échanges régulièrement avec de jeunes créateurs. Est-ce qu’ils portent  le même regard que toi ?

Zino : En Algérie c’est chacun pour soi. D’ailleurs, je me bas toujours et depuis pour une association de la couture algérienne ou des stylistes designers. Personne ne répond oui. Personne ne se donne la main. Les générations précédentes ont eu des défilés, des endroits prestigieux, des couvertures, la télé et nous non. Rien.

BC : Ce point m’interpelle particulièrement. Quand tu parles d’association de couture algérienne, c’est un élément qui manque au secteur ?

Zino : J’encourage tous les jeunes créateurs. C’est très difficile il faut s’accrocher.

ZinOfficial ?

BC : Tu as parlé de certaines attaques assez dures à gérer et en même temps tu vis actuellement de beaux succès. On parle de plus en plus de toi et tu fais de plus en plus de choses, tu as réussi à te faire ta place ?

Zino : Oui je vis en plein succès. Je parle de mes amis, de ceux qui m’encouragent. Pas du tout au sens large du terme succès.

BC : Alors tu n’es pas devenu un people de la scène algérienne ?

Zino : (rire) Sérieusement ? People ! Pour être people, il faut déjà un show biz’. Et des shows.  Paris Hilton à l’algérienne… Non, revenons à notre place.

BC : Certaines soirées avaient un accent très mondain cet été, et pendant le Ramadhan aussi.

Zino : (rire) J’ai été invité VIP à l’une d’entre elles. J’ai pas trouvé de place et on a été mal accueilli ! Non, non, je suis beaucoup plus classique que ça. Je ne plane pas et je parle dans le concret.

BC : Alors concrètement, quelle est ta vision sur ce qu’il y a à faire pour la mode algérienne ?

Zino : Dans la mode en Algérie, il faut penser à avancer seul. Créer, créer, créer et oser. Et présenter de nouvelles choses, sélectionner les podiums quand on a le choix, participer au bon moment au meilleur endroit et présenter de la nouveauté, agréable pour l’œil, vendable et original. Sans voir les autres, sans chercher après un lien commun qui ne va jamais se réaliser, sans faire du bruit par rapport à l’autre. Voilà.

BC : Tu mentionnais tout à l’heure la couverture médiatique des magazines. Ils offrent une couverture, mais organisent aussi des défilés, des évènements, etc. C’est une double casquette qui peut être intéressante pour le secteur ou c’est plutôt de la com’ orchestrée ?

Zino : Nul ne cherche après l’échange d’intérêt. Chacun utilise l’autre et vice-versa. Là, on est dans le show biz.